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| Effets myotrophiques du CNTF |
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7
Les muscles sont
des tissus extrêmement hétérogènes et d'une grande plasticité fonctionnelle. Ils
permettent aux organismes qui les possèdent, d'interagir avec l'environnement en
transformant une molécule hautement énergétique, l'adénosine triphosphate (ATP),
en force mécanique générée par la contraction de ces organes. Les
caractéristiques contractiles d'un muscle sont dépendantes de sa fonction et se
retrouvent à l'échelle cellulaire. Les cellules qui composent un muscle impliqué
dans la locomotion n'auront pas les mêmes caractéristiques fonctionnelles que
celles composant un muscle antigravitaire. L'expression des protéines et de
leurs isoformes participant aux mécanismes impliqués dans la contraction des
cellules musculaires est contrôlée en grande partie par l'innervation. Si
l'activité électrique nerveuse, et surtout son codage, est capable à elle seule
de modifier les propriétés contractiles d'un muscle, il a aussi été proposé
l'intervention de facteurs solubles myotrophiques d'origine nerveuse. Cependant,
jusqu'à récemment aucune molécule de ce type n'avait été identifiée. Le ciliary
neurotrophic factor (CNTF) a été identifié pour sa capacité à maintenir en
culture des neurones ciliaires de poulet 1. La
protéine a ensuite été purifiée en 1984 puis clonée en 1989 2, 3. Par la suite, il a été montré que le CNTF
permettait la survie de nombreux types de neurones en culture mais aussi in
vivo. C'est une cytokine apparentée à la famille de l'interleukine 6 (IL-6).
Le CNTF reconnaît un récepteur membranaire multimérique composé de deux
sous-unités transductrices, gp130 et RLIF (récepteur pour le Leukemia
Inhibitory Factor) partagées par d'autres cytokines de types IL-6, et une
sous-unité non transductrice qui lui est plus spécifique RCNTF-a. Le CNTF
agira seulement sur les cellules exprimant ces trois protéines et en
particulier RCNTF-a. L'analyse en Northern-Blot et par immunohistochimie a
montré que RCNTF-a est exprimé principalement dans le système nerveux central
et périphérique. Après les cellules du système nerveux, les fibres musculaires
squelettiques font partie des cellules ou RCNTF-a est le plus exprimé 4, 5, 6
.
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Le CNTF semble très peu
exprimé dans les muscles mais est synthétisé en grande quantité dans les cellules de Schwann des nerfs
périphériques adultes
7, 8 .
De ce fait, il a été proposé que le CNTF puisse jouer le rôle de facteur
myotrophique d'origine nerveuse
9. Pour tester cette hypothèse, deux
modèles animaux dont l'activité contractile était perturbée ont été traités
avec du CNTF : le rat dénervé et le rat âgé. Dans le modèle du rat dénervé on
sectionne le nerf sciatique innervant les muscles du mollet, notamment le
soléaire (muscle de type lent) et l'extensor digitorum longus (edl) (muscle
rapide). La rupture de l'innervation entraîne des altérations fonctionnelles
et morphologiques ainsi qu'une augmentation de l'expression de RCNTF-a dans le
soléaire et l'edl. Helgren et collaborateurs ont montré qu'un traitement au
CNTF des muscles dénervés permettait de les préserver des altérations
fonctionnelles et en partie des modifications morphologiques
10. Avec l'âge, la force développée par
les muscles squelettiques diminue. Il a été montré que parallèlement la
synthèse de CNTF dans les cellules de Schwann diminuait et l'expression de son
récepteur alpha augmentait dans les muscles squelettiques de rat
11 . De plus un traitement de rats âgés
(24 mois) avec du CNTF permet de récupérer une force, développée par les
muscles, équivalente de celle observée chez de jeunes rats adultes. Avec l'âge
l'innervation subit une réorganisation et il semble que certaines fibres
musculaires soient dénervées. Ces résultats démontraient une action
myotrophique du CNTF qui pouvait être attribuée à une action spécifique du
CNTF sur les cellules musculaires squelettiques dénervées
12
.
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| | A Résultats expérimentaux |
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Les résultats expérimentaux sont présentés sous formes
résumées de 3 articles dont le premier a été publié 13
et les deux
autres ont été soumis pour publication. Le premier concerne plus particulièrement des
effets préventifs du CNTF sur l'atrophie et le changement de phénotype
musculaire apparaissant dans le soléaire de rat suspendu. Le suivant a pour
objet l'action du CNTF sur l'expression de différents mécanismes
intracellulaires pouvant être associés aux effets préventifs du CNTF. Le
troisième article propose une hypothèse, alternative aux voies de transduction
habituellement activées par le CNTF, permettant d'expliquer l'effet préventif du
CNTF sur les modifications du phénotype contractile du soléaire suspendu par une
action de la cytokine sur l'excitabilité du muscle qui viendrait s'opposer aux
altérations de l'activité électrique de l'innervation induites par la
suspension.
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| | 1) Traitement de rats suspendus au CNTF |
| |
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7
Le rat
suspendu est un modèle de microgravité simulée, développé pour mimer les
altérations musculaires retrouvées lors de vols spatiaux. Dans ce modèle les
pattes inférieures de l'animal sont déchargées de son poids. Après 3 semaines
de suspension, malgré l'intégrité de l'innervation, il se développe une
atrophie et une altération des propriétés contractiles qui atteignent plus
particulièrement le soléaire, muscle antigravitaire de type lent, se
traduisant par 14
:
-
Une transition du phénotype de type
lent vers un phénotype plus rapide, caractérisée par une accélération des
cinétiques du twitch (contraction phasique enregistrée après une stimulation
électrique de durée et d'intensité définies pour générer un seul potentiel
d'action dans les fibres de la préparation musculaire étudiée) vers des
cinétiques proches de celles observées dans un muscle de type rapide comme
l'edl.
La
synthèse de CNTF dans le nerf sciatique n'est pas altérée mais l'expression
des ARNm codant pour la sous-unité spécifique de son récepteur, RCNTF-a, est
augmentée dans le soléaire de rat suspendu 11
. Les
muscles de rats suspendus apparaissaient donc comme des sites potentiels
pour une action myotrophique du CNTF sur des muscles squelettiques aux
propriétés altérées mais dont l'innervation était intacte.
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L'objet de cette étude
était d'étudier les effets d'un traitement au CNTF sur les muscles
squelettiques de rat suspendu en vue de :
-
En déduire l'action
myotrophique du CNTF sur des muscles aux propriétés altérées mais
normalement innervés et d'évaluer le rôle physiologique du CNTF endogène
vis-à-vis des muscles squelettiques, notamment en tant que facteur d'origine
nerveuse impliqué dans la régulation du phénotype musculaire par
l'innervation.
Les résultats de cette étude ont été
publiés:
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FRAYSSE B., GUILLET C., HUCHET-CADIOU C., CONTE CAMERINO
D., GASCAN H., AND LEOTY C. " Ciliary neurotrophic factor prevents
unweighting induced functional changes in rat soleus muscle " J Applied Physiol 88(5):1623-1630 ,
2000.
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| CNTF prevents unweighting-induced functional changes in rat soleus muscle |
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Le
sujet de ce travail était de déterminer si les caractéristiques du soléaire de
rat suspendu 3 semaines pouvaient être modifiées par un traitement au CNTF.
Durant toute la suspension la cytokine était délivrée à l'aide d'une pompe
osmotique (débit de 16 µg/kg/h) implantée sous la peau d'une des 2 pattes
inférieures de l'animal. Trois groupes d'animaux ont été constitués :
contrôles, non suspendus mais traités au CNTF, et suspendus et traités au
CNTF. Les caractéristiques musculaires et contractiles étaient comparées entre
les soléaires et les edl des 3 groupes (poids, quantité totale en protéines ;
caractéristiques du twitch, caractéristiques de la contracture 146 mM K+
(contracture enregistrée après perfusion des préparations musculaires avec une
solution hyperpotassique (146 mM K+) dont la tension est proche de la tension
maximale que la préparation peut développer dans nos conditions
expérimentales). Du fait de la faible durée de vie in vivo du CNTF 15
, les muscles de la patte non traitée des animaux suspendus traités au
CNTF étaient considérés comme ne subissant que les effets de la suspension. La
comparaison de ces muscles avec ceux de la patte traitée permettait de
déterminer les effets du traitement sur les altérations induites par la
suspension. Le traitement au CNTF permettait de réduire l'atrophie du
soléaire. Les tensions développées lors d'un twitch et d'une contracture 146 mM
K+, mesurées avec de petits faisceaux isolés de soléaire non traité étaient
réduites de 48 % et 40 % respectivement. De plus, le temps au pic et la
constante de relaxation du twitch étaient accélérés de 48 % et 54 % dans ce
muscle comparé au contrôle. Au contraire, les caractéristiques du twitch et de
la contracture 146 mM K+ n'étaient pas différentes entre le soléaire contrôle et
le soléaire suspendu traité au CNTF. Les caractéristiques musculaires de l'edl
n'étaient pas altérées ni par la suspension ni par le traitement au CNTF.
Comparée aux muscles contrôles, l'expression des ARNm codant pour le RCNTF-alpha
était augmentée dans l'edl et le soléaire non traités de rat suspendu, mais
était similaire dans les muscles traités au CNTF. Les résultats de cette
étude démontrent que le traitement au CNTF peut prévenir les modifications
fonctionnelles qui apparaissent dans le soléaire
suspendu.
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| | 2 Traitement au CNTF, CEC, atrophie et rat suspendu |
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Ciliary treatment effects on the
voltage-dependent activation and inactivation of voltage sensor of
excitation-contraction coupling of rat unloaded soleus Fraysse B.,
Joumaa W. and Léoty C, en révision.
Résumé en français:
a) Effets du traitement au CNTF sur
le CEC.
La suspension altère le potentiel de
membrane de repos (PMR) et le couplage excitation-contraction dans le soléaire
de rat. Dans cette étude, nous avons déterminé les effets d'un traitement au
CNTF sur le PMR, et sur l'activation et l'inactivation voltage dépendantes de
la tension du soléaire de rat suspendu 3 semaines. Le PMR a
été mesuré à l'aide de microélectrodes classiques. Au terme de la suspension le
PMR était hyperpolarisé dans le soléaire non traité (-67.5 ± 0.4 mV), par
rapport au contrôle (-63.5 ± 0.8 mV), et sa valeur était proche de celle
normalement mesurée dans l'edl. Le CNTF prévient cette hyperpolarisation avec
une valeur de PMR égale à -62.5 ± 0.5 mV dans le soléaire traité de rat
suspendu. Pour
étudier la dépendance de la tension vis-à-vis de la dépolarisation nous avons
utilisé deux protocoles qui peuvent être résumés comme suit :
-
courbe d'activation : utilisation de solutions
à pouvoir dépolarisant croissant (utilisation de solutions de concentrations
potassiques croissantes) pour perfuser les préparations musculaires. La
courbe d'activation est alors tracée en reportant, pour chaque solution, la
tension développée (ordonnées, exprimée en pourcentage de la tension
développée par une solution 146 mM K+) par la préparation en fonction du
potentiel de membrane (abscisses, mesuré séparément) mesuré après perfusion
de la préparation musculaire pour chacune des solutions.
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5 6 7
-
courbe d'inactivation :
Mesure de la tension développée par la préparation après perfusion avec une
solution dépolarisante 146 mM K+ (contracture test), après prétraitement des
préparations musculaires par les solutions de pouvoir dépolarisant croissant
suscitées. Les courbes d'inactivation sont alors obtenues en rapportant,
pour chacune des solutions, la tension développée par la contracture test
(ordonnées, exprimée en pourcentage de la tension développée lors d'une
contracture test sans prétraitement) en fonction du potentiel de membrane
(abscisses) mesuré.
Nos
résultats montrent que les courbes d'activation et d'inactivation voltage
dépendantes de la tension sont déplacées vers des potentiels plus positifs
dans le soléaire suspendu non traité, valeurs proches de celles retrouvées
dans les muscles de type rapide comme l'edl. Le CNTF prévient en partie les
altérations observées sur la courbe d'activation mais pas les altérations de
la courbe d'inactivation. Le modèle généralement accepté suggère que la
dépolarisation convertisse séquentiellement une fraction de " voltage sensor "
au repos vers l'état actif puis l'état inactif, la tension des contractures
potassiques étant proportionnelle à la fraction de " voltage sensor " à l'état
actif 16, 17. Autrement dit, si la courbe
d'activation de la tension en fonction de la dépolarisation est modifiée du
fait d'une modification du nombre de " voltage sensor " à l'état actif, la
courbe d'inactivation devrait aussi être modifiée. Ce qui n'est pas le cas
dans notre étude. D'un autre côté, dans le semi-tendineux de grenouille, il a
été montré que l'acide cyclopiazonique, un inhibiteur spécifique de la calcium
ATPase du réticulum sarcoplasmique, déplaçait la courbe d'activation vers des
potentiels plus positifs sans modifier la courbe d'inactivation 18
. L'effet différent
du CNTF sur les courbes d'activation et d'inactivation de la tension vis-à-vis
du voltage laisse à penser que la cytokine agirait sur la régulation de
l'activité ATPasique du réticulum sarcoplasmique plutôt que sur l'expression des récepteurs aux
dihydropyridines.
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5 6
7 b) Effets du traitement au CNTF sur la
fonte protéique.
Les résultats d'une étude précédente
démontraient que le traitement au CNTF permettait de réduire partiellement
l'atrophie du soléaire de rat suspendu 13. Cette dernière
est corrélée à la fonte protéique musculaire de l'ordre de 40 à 50%, qui
atteint plus particulièrement (80%) la fraction myofibrillaire 14
après 3 semaines de
suspension. Ceci explique en partie la diminution de la tension maximale
développée par les fibres de soléaire chez le rat suspendu. Hors chez les rats
suspendus et traités au CNTF la tension maximale n'est pas significativement
altérée. Nous avons donc conduit une série d'expérience pour déterminer si la
prévention par le traitement au CNTF de la tension et de l'atrophie étaient
liées. Pour cela nous avons calculé (méthode Bradford après homogénéisation)
la quantité de protéine par mg de muscle soléaire pour les groupes de rats
contrôles, suspendus traités et suspendus non traités. Plus particulièrement
nous avons évalué, grâce à une centrifugation (1000X g), l'évolution de la
quantité protéique dans les fractions myofibrillaire (culot) et
non-myofibrillaire (surnageant). Dans un premier temps nous avons
vérifié une perte de poids (mg/g de poids de l'animal) du soléaire de ~50%
alliée à une réduction de ~70% de la quantité totale en protéines du muscle
(mg par muscle) après 3 semaine de suspension chez des rats non traités. De la
même manière nous avons pu vérifier que la fonte protéique était surtout
observée dans la fraction myofibrillaire (~80 %) même si la fraction
non-myofibrillaire était aussi fortement diminuée (~40 %). Ces résultats sont
en accord avec des travaux précédents 14
.
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Comme
constaté précédemment, chez les animaux suspendus et traités au CNTF
l'atrophie du soléaire était partiellement réduite 13
. Cette prévention pouvait s'expliquer par une
réduction de ~30 % de la fonte protéique. Les effets bénéfiques du CNTF
étaient observés de manière équivalente sur les deux fractions myofibrillaire
et non-myofibrillaire, avec réduction de la perte protéique de l'ordre de 20 à
30%.
Ces
résultats apportent des éléments de réponse importants sur les mécanismes
impliqués dans la prévention par le CNTF des changements fonctionnels et
l'atrophie du soléaire de rat suspendu. Cette étude renforce l'intérêt de
l'évaluation du CNTF et ces dérivés en tant qu'agents pharmacologiques
permettant d'atténuer les altérations musculaires se développant en situation
de microgravité.
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| | 3 Effets in vitro du CNTF sur le courant sodique |
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Ciliary neurotrophic Factor decreases
excitability of fast- and slow-twitch rat skeletal muscles by rapid
PKC-dependent inhibition of voltage-dependent sodium current.
Fraysse B, Talon S, Pierno S, Desaphy JF, Guillet C, Gascan H, Conte-Camerino D and Leoty
C.
Exposé du problème.
Les effets du CNTF sur les caractéristiques
fonctionnelles globales du soléaire de rat suspendu 13, semblent passer par
une régulation de l'expression de nombreux mécanismes. En effet, dans le
soléaire de rat suspendu, l'action préventive du CNTF se retrouve aussi bien
au niveau des altérations des caractéristiques du twitch que celles retrouvées
dans les perméabilités membranaires de repos. Ainsi, les actions du CNTF sont
multiples sur le soléaire de rat suspendu, mais elles aboutissent à une
préservation du phénotype contractile lent du muscle. Une action séparée du
CNTF sur chaque mécanisme impliqué dans la différence du phénotype contractile
entre le muscle soléaire et edl présuppose une action spécifique de la
cytokine sur un type de muscle donné. Or, le CNTF permet de prévenir les
variations fonctionnelles autant dans le soléaire que l'edl dénervés
10. Ceci
nous a amené à penser que le CNTF pouvait jouer sur un mécanisme en amont
régulant le phénotype contractile et qui serait altéré par la suspension. Il a
été montré que l'électromyogramme (EMG) du soléaire était altéré durant la
suspension
19 et présentait certaines caractéristiques retrouvées normalement
dans les muscles squelettiques de type rapide 20
. L'EMG est le reflet de l'activité
électrique efficace de l'innervation. D'autre part les neurones innervant les fibres rapides délivrent une activité électrique
différente de celle des neurones innervant les fibres lentes 21 . Une électrostimulation chronique du soléaire pendant
la suspension avec un codage mimant l'innervation du soléaire de type lent
permet de prévenir la transition de certaines caractéristiques contractiles de type lent
vers un type rapide, mais pas l'atrophie22
.
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| |
Ceci nous a conduit à proposer une action du
CNTF sur le couplage excitation-adaptation du phénotype contractile du
soléaire, venant s'opposer à une modification de l'activité électrique de son
innervation lors de la suspension, en jouant, par exemple sur l'excitabilité
du muscle. Ceci permettrait d'expliquer la convergence des effets préventifs
du CNTF, durant la suspension, vers une conservation du phénotype lent du
soléaire.
a) Effets du CNTF sur le courant
sodique.
Afin de déterminer si les
effets du CNTF pouvaient être liés à une modification de l'excitabilité du
muscle, des expériences de voltage imposé ont été réalisées en utilisant la
technique de double séparation au mannitol sur des fibres isolées de soléaire
et d'edl. Nos résultats montrent que le CNTF provoque une diminution du pic et
du taux d'inactivation du courant sodique des deux muscles. Dans l'intervalle
des concentrations testées (0,02 à 5 ng/ml) ces effets sont concentration
dépendant, et les cellules de soléaire sont plus sensibles que celles de
l'edl.
| |
| |
b) Etude pharmacologique des voies de
signalisation du CNTF. Le CNTF est
connu pour activer des voies de transduction du signal intracellulaires, telle
que la voie JaK/STAT (Janus Kinase/ Signal transducer and activator of
transcription), aboutissant à la régulation de la réplication de certains
gènes 23. Dans notre étude, l'inhibition du courant
sodique des fibres squelettiques par le CNTF débutait 2 min après le début de
l'application de la cytokine et atteignait un état stable au bout de 8 min. Ce
temps d'action du CNTF apparaissait donc trop court pour être expliqué par
une régulation de la transcription, ce qui suggérait une action
postraductionnelle de la cytokine. Dans des cellules satellites en culture, il
a été montré que le 1-oleyl-2-acetyl-sn-glycerol (OAG), un activateur de la
protéine kinase C (PKC), provoque une inhibition du courant sodique, semblable
à celle induite par le CNTF, avec un temps d'action inférieur à 10 min 24. De plus, l'addition de CNTF dans le milieu de
culture de certaines cellules nerveuses entraîne une activation de la PKC
après un temps inférieur à 5 min 25
. Dans l'étude nous avons montré que l'OAG inhibe le
courant sodique de manière semblable au CNTF. De plus, nos résultats montrent
que le bis-indolylmaléimide I, un inhibiteur de la PKC, inhibe les effets du
CNTF, suggérant qu'ils puissent passer par la protéine kinase C.
Conclusion. L'inhibition
du courant sodique des muscles squelettiques par le CNTF pourrait entraîner
une réduction dans leur excitabilité. Cet effet pourrait être impliqué dans
les mécanismes de prévention par le CNTF des modifications fonctionnelles
induites dans le soléaire par la
suspension.
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| | B Conclusions et perspectives |
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5 6
7 Les résultats que nous avons
obtenus montrent que le traitement au CNTF prévient en partie l'atrophie du
soléaire lors de la suspension. De plus les caractéristiques fonctionnelles
observées avec le twitch et les contractures 146 mM K+ sont conservées dans le
soléaire traité de rat suspendu. Le CNTF a donc bien une action
myotrophique sur le soléaire de rat suspendu bien que son innervation soit
intacte. Wang et Forsberg ont montré avec une lignée de
cellules musculaires en culture, dépourvues d'innervation, que le CNTF pouvait
jouer sur la synthèse et la dégradation des protéines de la fraction
myofibrillaire et non-myofibrillaire 26
. Cette action du CNTF
semblait passer par l'activation des voies de transduction cellulaire connues
pour être activées par le CNTF. Ceci pourrait expliquer les effets préventifs
du CNTF sur la diminution de la quantité en protéines musculaires et de la
tension développée par les fibres dans le soléaire de rat suspendu. La préservation du
phénotype contractile de type lent du soléaire de rat suspendu est cependant
plus complexe à expliquer. Les expériences de voltage imposé réalisées dans
cette étude montrent que le CNTF peut inhiber le courant sodique des muscles
squelettiques soléaire et edl, le muscle lent étant plus sensible. Le CNTF
pourrait donc être capable de modifier l'excitabilité du soléaire. Ceci
pourrait s'opposer aux modifications de l'activité électrique de l'innervation
du soléaire pendant la suspension et réduire les altérations du phénotype
contractile du muscle. Comme l'edl est moins sensible que le soléaire, son
excitabilité serait moins atteinte, ce qui expliquerait l'absence d'effet du
CNTF sur ce muscle.
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| |
Cependant, il reste à
déterminer si les effets du CNTF sur le courant sodique peuvent modifier
l'excitation du soléaire et qu'ils se perpétuent tout au long de la
suspension. De plus, une étude de l'activité électrique du soléaire et de
l'edl traités au cours de la suspension serait d'un grand intérêt. En effet,
l'analyse, notamment en terme de codage de l'activité électrique, permettrait
de vérifier l'hypothèse d'un effet du CNTF sur l'excitabilité du soléaire
venant contrecarrer les altérations de l'activité électrique de son
innervation induite par la suspension. Le CNTF semble être une protéine non sécrétée 3, 27. Du fait de son
activité protectrice sur différents types de neurones, il a été proposé que
cette cytokine puisse jouer un rôle de facteur de secours pour le système
nerveux 8, 28
. Lors d'une lésion
nerveuse la molécule serait libérée et viendrait protéger les cellules
nerveuses bordant la zone lésée. Dans notre étude nous montrons que le CNTF
peut inhiber en quelques minutes le courant sodique des cellules des muscles
squelettiques, ce qui pourrait conduire à une diminution de leur excitabilité.
Les concentrations utilisées dans notre étude sont compatibles avec celles que
l'on pourrait retrouver aux abords des muscles après une lésion de leur nerf.
La cytokine libérée pourrait alors protéger les fibres musculaires contre des
stimulations incontrôlées de l'innervation. Le CNTF endogène pourrait donc
être aussi un facteur de secours pour les muscles squelettiques. De nouvelles
expériences sont nécessaires pour :
-
Préciser la voie d'action intracellulaire
du CNTF dans ce cas.
| |
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Si
nos résultats apportent des informations sur le rôle physiologique du CNTF
endogène par rapport aux muscles, il est difficile à déterminer précisément
puisque récemment une deuxième molécule reconnaissant RCNTF-alpha a été mise en
évidence 29
. Cette
molécule est sécrétée et pourrait donc avoir un rôle en conditions
physiologiques normales. De plus comme le CNTF et ce " CNTF II " reconnaissent
le même récepteur multimérique il est fort probable que ces deux cytokines
partagent de nombreuses activités biologiques. Des études supplémentaires sont
donc nécessaires pour discriminer leurs rôles respectifs. Quoiqu'il en soit,
notre étude montre qu'un traitement au CNTF peut réduire les altérations
musculaires induites par la microgravité. Il apparaît donc envisageable de
poursuivre l'étude en conditions de microgravité réelle. En revanche, aux
doses utilisées dans cette étude, il ne prévient pas complètement l'atrophie
du muscle. De ce fait, il pourrait être utilisé à des concentrations
différentes, ou couplé à un exercice musculaire et/ou associé à un traitement
aux hormones stéroïdes.
| |
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